Éditorial de Wissam Charaf, parrain de l’édition 2025
« Face au feu, notre feu »
2025, une année où la guerre a écrasé le Liban sous un déluge de feu. Une année où les crises se sont empilées comme un mille-feuille sur celles des années précédentes. Une année où chaque Libanais s’est encore posé cette affreuse question : « Pourquoi ne suis-je pas né ailleurs ? » Mais il faut se relever. Toujours. Pas le choix. Se remettre debout, balayer les gravats, panser ses plaies, rester créatifs, rester des poètes, des enfants, des fous. Recommencer. Réinventer.
Et les cinéastes du Liban ont fort à faire. Car depuis la guerre civile, en passant par l’effondrement économique, l’explosion du port, la machine de guerre d’un voisin génocidaire, les blessures des Libanais sont restées béantes. Pas le temps pour un État en lambeaux de s’occuper d’un quelconque travail de mémoire, des choses plus urgentes sont peut-être à faire. Mais pas pour nous. Les cinéastes du Liban ont courageusement pris la relève. Avec peu de moyens, avec leur imagination et leur savoir-faire, avec des larmes et du rire, ils permettent un début de catharsis, de réconfort, et, qui sait, un jour, de guérison.
La sélection de 2025 est un miroir fidèle de l’esprit de ce petit pays. Des drames d’une société entre tradition et modernité, au chaos d’une ville qui maltraite ses enfants – mais on n’a jamais qu’une seule mère – aux tourments de l’exil, à l’amour qui naît, au Sud qui souffre, c’est l’un des pays qui, per capita, possède l’un des plus grands nombres de cinéastes au monde. Pourquoi ? Parce que nous avons tant d’histoires à raconter.
Le Liban est un pays de diaspora. C’est là que réside sa faiblesse, car nos jeunes fuient son chaos en masse. Mais c’est là également que réside sa force. Aujourd’hui, avec la crise économique, les festivals de cinéma ne se comptent plus que sur les doigts d’une main au Liban. Mais dans d’autres pays, comme en France, des festivals comme le FFLF ont vu le jour et permettent aux films du Liban d’être vus par un public plus large. De partager nos vies incroyables, ce chevauchement incessant de malheurs et de tendresse.
Face au feu, notre feu : celui du verbe, des idées, de la lumière. Afin que nos enfants ne rêvent pas d’hier et d’ailleurs, mais d’ici et de demain. Un jour, dans 2000 ans, on nous exhumera pour disséquer ce curieux spécimen qu’était le Liban et les Libanais. Probablement qu’on n’y comprendra rien, qu’on dira que c’était un pays de fous. Mais qu’importe… c’était nous.
A Ziad Rahbani… à la folie.
Wissam Charaf,
Parrain de l’édition 2025